de l'intelligence artificielle

Quand on parle d'intelligence artificielle, de machines complexes et de robotique évoluée, la question n'est pas de savoir si ça va arriver un jour, mais quand ça va arriver. Partant de ce postulat, il conviendrait de commencer à y réfléchir sérieusement, pour notre salut à tous.

Parce que l'intelligence artificielle arrive. Elle est déjà arrivée: les ordinateurs sont devenus indispensables ou presque dans la vie de tous les jours. Certaines démarches ne peuvent plus se faire qu'à travers Internet, et on recommande pour d'autres de passer par là (comme les impôts, par exemple). Pourquoi pas ? On gagne du temps, on économise du papier, on accélère le traitement de l'information. On passe par moins d'intermédiaires, on ne se déplace pas, on n'a pas besoin d'utiliser la voiture.

Mais quand je parle d'intelligence artificielle, je ne parle pas vraiment d'ordinateurs et de smartphones pour citoyens lambda. Je parle de cette force grandissante, de ces technologies qui vont remplacer l'homme peu à peu, et ce dans tous les domaines possibles et imaginables.

Il y a un article intéressant qui explore vos probabilités d'être remplacé par une machine, en fonction de votre métier. Explorez-le, découvrez des professions que vous pensiez intouchables. Il faut se rendre à l'évidence: aucun métier, ou presque, est inaccessible pour l'intelligence artificielle.

Ce changement, cette passation de l'humain à la machine ne va pas se produire du jour au lendemain. Il faudra des années, peut-être des décennies avant que le monde ne devienne automatisé. Mais ça arrivera, tôt ou tard. Et lorsque ça arrivera, nous ferons face à une des plus grandes crises de l'humanité, car un trop grand nombre de personnes se retrouveront soudainement face à leur plus grande peur: celle d'avoir le temps devant soi, et de le voir défiler sans pouvoir l'occuper de la plus triviale des façons, à savoir travailler.

J'ai toujours trouvé que définir sa vie par son travail était la chose la plus absurde qu'on puisse faire. C'est pourtant ce que beaucoup de personnes font, partout sur la planète. Ils se lèvent, ils vont au travail, se déconnectent de la réalité des heures durant, et rentrent chez eux. Là, lessivés, dépossédés de toute force créatrice, ils occupent le peu de temps qu'ils leur restent avec un peu de télévision, un film, un moment avec les enfants, pourquoi pas un restaurant. Pour les plus malchanceux, il n'y a peut-être pas tout ça. Juste la perspective de se coucher pour se lever à nouveau le lendemain et repartir à la mine, faute de choix.

Lorsque les machines remplaceront les hommes au travail, nous nous retrouverons avec beaucoup trop de temps libre dans nos mains. Et il n'y a rien de pire que d'avoir du temps libre dans nos mains. C'est une perspective qui nous terrifie, parce qu'elle nous met face à nos pensées, face à nous-mêmes, face à notre mortalité. Sans travail pour nous divertir, sans activité pénible et répétitive pour occuper nos doigts, on se met à retrouver cette peur humaine du temps qui passe, de la mort qui se profile à l'horizon.

On dit souvent qu'on peut se tuer au travail. Mais la réalité, c'est que pour beaucoup de personnes le travail c'est leur vie. Enlevez leur ces 40 heures gaspillées à générer du profit et vendre son temps pour quelqu'un d'autre, et vous vous retrouvez avec quelqu'un qui n'a plus d'objectif dans la vie. Il n'en a jamais eu, il n'y a jamais pensé. Sorti de l'école, il s'est fait embaucher, parce que c'est ce qui arrive. C'est comme ça que les choses fonctionnent. On travaille toute sa vie, on épargne pour sa retraite. Ensuite on en profite (ou pas) quelques années, et puis on tire la révérence. Le système est en place depuis des centaines, des milliers d'années. Le travail, l'argent, la nécessité de produire, de sacrifier des heures de sa vie pour pourvoir en profiter, de sa vie justement, sont devenus des caractéristiques de ce qu'on appelle l'Homme. Les animaux ne travaillent pas.

Lorsque les machines viendront nous remplacer, elles viendront prendre notre travail, mais pas notre argent. Elles n'ont que faire de l'argent. Tout au plus s'agit-il d'une donnée en plus qui sera traitée, analysée, selon les objectifs souhaités. Le problème vient du fait que les machines n'ont que faire de l'argent, mais nous oui. Nous aurons toujours besoin de cet argent pour gagner notre vie, pour acheter de quoi manger. Mais sans travail, comment faire ? Comment gagner de l'argent sans l'activité qui permet de le faire en premier lieu ? C'est un peu comme mettre la charrue avant les bœufs. Les machines viendront court-circuiter le système en enlevant la première étape. Ce n'est pas tant qu'on aime travailler, mais il faut bien vivre, et pour vivre il faut de l'argent, et pour avoir de l'argent, il faut bien souvent travailler. Sans ce premier maillon, la chaîne n'a non seulement plus de sens, mais aussi plus d'intérêt en soi.

Peut-être l'arrivée des machines est une bonne chose. Peut-être arriverons-nous à cette prise de conscience collective que la vie n'est pas synonyme de travail, qu'il n'est pas question de la gagner, qu'il n'aurait jamais dû être question de la gagner, de la mériter, mais seulement de ne pas la perdre pour rien, et de la vivre le temps qu'elle dure. Peut-être allons-nous essayer d'explorer d'autres façons de vivre. Peut-être que d'autres systèmes vont émerger, des systèmes où l'argent n'est plus nécessaire, où les humains vont parcourir le monde, sans but, sans travail. Est-ce que ce sera bien ? Je ne sais pas. Ce sera très certainement effrayant au début, dans la phase de transition. On sent déjà la terreur monter lorsqu'on annonce les voitures sans conducteurs, les robots créateurs de musique et les ordinateurs capables d'apprendre par eux-mêmes. C'est une terreur justifiée, mais inévitable. Les machines arrivent, et il serait temps de réfléchir à leur impact futur, pour mieux vivre sa vie.

La culture, le divertissement et les activités créatrices seront, à mon avis les portes de sorties pour les hommes en quête de but, pour tromper la mort. Elles l'ont toujours été, mais dans un monde de machines, ce sera exacerbé. Les domaines du social, aussi; dans un monde jugé artificiel par beaucoup, retrouver le contact humain sera une pulsion presque instinctive, mais aussi source de beaucoup de conflits. En ce sens, la spiritualité va également s'étendre et toucher de plus en plus de monde. Il n'y a que les hommes pour se tourner vers les religions lorsqu'il s'agit de trouver du sens à la vie. Dans l'article plus haut, il est dit que les métiers autour du clergé et des religions n'ont que 0.8% de chance d'être automatisé. Ça ne m'étonne pas. Il faut un homme pour donner la foi à un autre homme, et le rassurer sur sa condition. Il n'y aura plus de travail, mais il y aura toujours Dieu, peu importe lequel, et ça, c'est toujours mieux que rien.

Tout ça n'est que suppositions, idées lancées en l'air. Je ne sais pas exactement ce que sera le monde du futur, le monde des machines. Je n'aurai peut-être jamais l'occasion de le voir par moi-même. Une chose est certaine, cependant: il arrive, et il va bouleverser notre conception de ce qu'est l'humain. Si on ne fait pas attention d'entamer le débat et les changements, on risque de se retrouver avec une très grande, trop grande, portion de la population mondiale déboussolée et perdue dans leur vie respective.

 
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