du “qui peut le moins fait le plus”

On a souvent tendance à dire que qui peut le plus peut le moins, et c'est assez facile de comprendre l'image: puisque je suis capable de faire cinq cent bornes pour aller voir en concert un artiste que j'apprécie, je peux tout aussi bien faire deux cent mètres pour aller chercher du pain.

Dans les fait, c'est un peu plus compliqué. L'humain n'est pas tout à fait cohérent et sincère envers lui-même. Différent stimuli en apparence similaire dans le fond n'entraînent pas forcément différentes réactions dans la forme. La faute à la liberté et au choix, qui nous font devenir des princesses aux pieds délicats et à l'appétit capricieux.

Après tout, oui, je pourrais et je devrais être capable d'aller chercher ce putain de pain pour manger ce soir ou demain matin. Mais voilà, j'ai encore des biscottes dans l'armoire, et puis je préfère regarder des bêtises sur Internet.

Dans ce sens, tout en changeant légèrement le propos qui peut le plus peut le moins est de plus en plus difficile à suivre comme philosophie de vie, à l'heure où des milliards d'objets et quelques autres milliards d'excuses viennent changer la balance. On ne sait plus quoi choisir devant l'étalage, on hésite dès qu'il s'agit de prendre une décision pour changer de téléphone, de chaussures, et même choisir un film à regarder est une douce torture, mais une torture quand même.

Dans ce monde où finalement, paradoxalement, qui a le plus a le moins, il est quelquefois nécessaire de revenir aux fondamentaux, et la tendance relativement récente de revenir à des choses épurées l'a bien compris.

Au-delà d'une paresse apparente dans le design, jugement quelque peu hâtif, le minimalisme qu'affiche bon nombre de produits modernes se veut revenir à l'essentiel, faire moins pour faire plus.

J'ai de plus en plus de mal à supporter les sites Internet qui sont surchargés d'éléments indésirables qui viennent alourdir mon expérience d'utilisateur, par exemple. En cela, les changements d'interface qui effacent tout pour ne garder que trois couleurs et une ligne de texte sont de véritables bouffées d'air frais. J'ai ainsi appris à aimer ce moins, dans le fond comme dans la forme. Allez faire un tour sur les grands sites qui proposent leurs produits: Apple, Nokia, Toshiba. Allez faire un tour sur les réseaux sociaux: Twitter, Pinterest, même Tumblr. Regardez non pas le contenu, mais la forme de ces sites. Les couleurs, les blocs, les lignes des pages, l'utilisation d'icônes, comment c'est structuré. Ils ont compris qu'une approche plus minimaliste de la forme permettait de mettre le fond en valeur, et ce afin de promouvoir leurs produits, aussi mauvais soient-ils (la question n'est pas là.)

Ainsi, en tombant sur Svbtle, j'ai été immédiatement conquis par la philosophie de la plate-forme. A vrai dire, cela faisait un moment que je voulais trouver un endroit dénué de presque tout afin de ne faire ressortir que ce qui est important. Ironiquement, l'abondance de choix se retrouve également dans les plate-formes minimalistes et j'ai une dernière fois ressenti le qui a le plus a le moins, incapable de me décider vers où m'orienter. Mais après une rapide prise de décision (et un lancer de dés), Svbtle fut choisi.

De par son design extrême, l'attention portée à l'essentiel, sans chichis ni froufrous, ce coin d'Internet qui est inhabituellement pauvre de choix et d'options qui pourraient me distraire de ma tâche initiale, à savoir écrire, est parfait.

Ecrire tous les jours, cinq minutes, sans rien d'autre sous la main qu'un clavier, une page blanche virtuelle et des pensées, telle est une des applications de l'adage désormais légèrement modifié qui sera le mien ici, qui peut le moins fait le plus.

Pour finir, une vidéo intéressante de TEDtalks qui parle du problème.

 
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